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Les sous-traitants du ferroviaire rêvent du modèle aéronautique (Les Echos du 26.03.2014 p. )

Mutualisation des achats, « sourcing » transféré aux sous-traitants, le ferroviaire tente de s'inspirer de la manière dont la filière aéronautique a structuré ses relations avec les PME.

La filière du matériel ferroviaire parviendra-t-elle à suivre l'exemple de l'aéronautique et à structurer un réseau de sous-traitants ? La question est sur la table. Depuis des années, les entreprises vivent une relation quasi exclusive avec la SNCF qui assure une sorte de rente de situation à ceux qui parviennent à intégrer ses bons de commande. Mais les effets secondaires sont nombreux : concurrence acharnée entre les fournisseurs, émiettement des compétences, faible impact à l'export. Faiveley Transport, qui a deux usines près de Tours, vient d'emporter la fabrication de portes palières pour les métros de Hô-Chi-Minh-Ville (Vietnam) et de Santiago (Chili). Socofer, fournisseur de trains aspirateurs, a vendu ses services aux métros de New York et de Caracas (Venezuela).

En région Centre, cinquième région ferroviaire par les effectifs (6.400 personnes) selon une étude récente de Centreco, l'observatoire économique de la région Centre, les sous-traitants dominent parmi les 116 entreprises recensées, alors que les grands donneurs d'ordre comme Alstom ou la RATP sont ailleurs. En outre, parmi les rares assembleurs finaux, l'un d'eux, SDH Ferroviaire, dans le Loiret, filiale d'Aorf, est en péril (voir ci contre).

3.000 lots pour un tramway

Or, pour la Fédération des industries ferroviaires (FIF), il y a « urgence » à structurer le tissu « trop diffus » de PME. «  Aujourd'hui, un tramway Citadis d'Alstom, c'est 3.000 lots, contre 200 lots pour un A320. Alstom a tendance à transférer ce "sourcing" à ses sous-traitants. Ceux qui disposent de bureaux d'études et de cellules de SAV s'en sortiront », anticipe Jean-Pierre Auger, conseiller industriel de la FIF. Le mouvement est en marche. « Il y a dix ans, on nous achetait des radiateurs pour les trains. Aujourd'hui, sur le Régiolis d'Alstom, nous fournissons les sousensembles, avec un central électronique qui contrôle la ventilation et les pompes à air », raconte Charles Calestroupat, PDG de Minerva (210 salariés) qui dispose d'un bureau d'études à Nantes et d'usines à Lamotte-Beuvron (Loir-et-Cher), Sainte-Maure-de-Touraine (Indre-et-Loire) et Le Blanc (Indre).

«  Pour l'instant, seul le Nord - Pas-de-Calais est parvenu à fédérer le secteur. C'est parti d'une mutualisation des achats pour la peinture, parce que ce n'était pas concurrentiel. Puis l'intégration s'est développée dans la soudure. A partir d'un besoin, c'est devenu un club », rappelle Jean-Pierre Auger. « Nous devons par exemple peser sur les laminoirs pour nos achats », ajoute Charles Calestroupat, tenté par la création d'un cluster. « L'intérêt, c'est de donner du poids et de la visibilité aux PME, comme a su le faire la filière aéronautique, afin de pacifier les contrats de sous-traitance face aux acheteurs des grands groupes (Alstom, Bombardier, SNCF, RATP) », argumente Jean-Pierre Auger.

Raréfaction de la commande publique

L'enjeu est crucial : outre le resserrement du nombre de sous-traitants souhaité par les constructeurs comme Alstom, le matériel roulant est dépendant de la commande publique, qui se raréfie. « Les transporteurs veulent exploiter leur matériel plus longtemps avant de le changer », résume Emmanuel Patinet, PDG de Delta Métal. Conséquence : le marché du neuf va stagner, voire régresser, alors que celui de la maintenance va croître.

D'autres facteurs aggravent cette perspective. « Le corpus normatif est un frein au développement de la filière dans toute l'Europe », déplore Bertrand Hallé, PDG de Socofer, qui reconnaît toutefois que ces normes le protègent des produits chinois à prix cassés. « Notre survie passe par le grand export et les pays émergents où les normes sont plus simples. En Afrique, un appel d'offres pour une simple draisine de service, c'est 20 pages, contre un millier en France. In fine, c'est pourtant la même machine », ajoute-t-il.

Pour assister les PME en croissance interne ou externe, un fonds croissance rail a vu le jour en novembre dernier sous l'égide de bpifrance. Abondé par Alstom, la SNCF, la RATP et Bombardier, il est doté de 40 millions d'euros afin de consolider ce « secteur stratégique de l'industrie française », avait alors déclaré Nicolas Dufourcq, directeur général de bpifrance. Si aucun investissement n'a encore été réalisé, plusieurs dossiers sont à l'étude dont deux devraient être finalisés avant la fin de 2014.

Stéphane Frachet
Correspondant à Tours