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Le ferroviaire, une filière d’avenir à structurer (BTP Rail n°1 p. 4 et p.5 – mars 2014)

Délégué général de la Fédération des Industries Ferroviaires (FIF), Jean-Pierre Audoux décline sa vision d’une réforme réussie et d’une filière française actrice de la mondialisation des marchés.

BTP Rail : Quel est le grand défi du secteur ferroviaire en cette année 2014 ?

Jean-Pierre Audoux : Sans hésitation, le succès de la réforme du système ferroviaire français. Et je parle bien de la réforme dans son ensemble et non du seul GIU [ndlr : gestionnaire d'infrastructure unifié]. La réforme doit comprendre la réunification des trois composantes de l'infrastructure [ndlr : DCF, RFF, SNCF Infra], mais aussi la question de la gouvernante de la SNCF et de sa stratégie, notamment en termes de politique d'investissements ferroviaires. II est très important que le GIU se réunifie dans les meilleurs délais et débouche sur un gestionnaire d'infrastructures performant dont la stratégie se base sur des fon déments économiques et industriels pertinents.

BTP Rail : Quels pourraient être ces fondamentaux ?

Jean-Pierre Audoux : D'une façon générale, si l'on veut que le trafic se développe sur le réseau, il faut que le GIU soit puissant, indépendant et garant de conditions d'accès équitables pour l'ensemble des opérateurs. Un vrai cloisonnement financier et opérationnel entre le gestionnaire des infrastructures et les opérateurs, à commencer par la SNCF, serait un signe très fort. Le grand plan de modernisation du réseau (GPMR) a également un rôle à jouer pour fluidifier et cadencer le trafic ferroviaire. Au fond, si vous avez un réseau modernisé, un gestionnaire impartial et compétent, une autorité de régulation forte et la possibilité de se développer sur le réseau pour y faire du business, tout le monde sera gagnant.

« Il ne faudrait pas aboutir à une réforme «double peine» avec tune SNCF qui serait dotée des pleins pouvoirs au sein du système ferroviaire français et dissuaderait ipso facto la concurrence de s'exercer en France, alors même qu’elle se désengagerait du rail ».

BTP Rail : Quel est le principal problème de l'organisation actuelle ?

Jean-Pierre Audoux : Aujourd'hui, la SNCF « opérateur de mobilité » donne la priorité à une stratégie de diversification vers des activités autres que ferroviaires. Elle considère que les voies du succès financier ne passent plus par le rail sur le sol français. Pour que le secteur n'implose pas, il faut donc une réforme de qualité. Cependant, il ne faudrait pas aboutir à une réforme «double peine» avec une SNCF qui serait dotée des pleins pouvoirs au sein du système ferroviaire français et dissuaderait ipso facto la concurrence de s'exercer en France, alors même qu'elle se désengagerait du rail. Si la SNCF veut croître sur d'autres modes de transports, elle doit être libre de le faire, mais sans pour autant que son positionnement soit dissuasif vis-à-vis de ceux qui voudraient concourir au développement du rail dans notre pays.

BTP Rail : Le marché domestique doit-il toujours être la priorité de la filière ferroviaire française ?

Il reste déterminant et doit tenir un rôle de vitrine de nos savoir-faire. Néanmoins, il ne peut plus se suffire à lui-même. Comme dans le sport, la vie d'une équipe ne se résume pas aux seules rencontres livrées à domicile. Il faut être performant dans son stade, mais également, à l'extérieur car la mondialisation conduit les entreprises françaises à s'exporter au-delà de leur marché domestique et de l'Europe. Avec des concurrents qui viendront de plus en plus sur notre marché, le champ géographique de la France, de ses pays frontaliers et du Maghreb, devient aujourd'hui trop restreint.

BTP Rail : Dispose-t-on d'une filière capable de s'imposer à l'international ?

Jean-Pierre Audoux : Nous possédons de nombreux atouts. Le premier est la maîtrise de la majorité des technologies innovantes, exception faite de la motorisation. Nous sommes quand même les pionniers sur des technologies d'avenir reconnues au niveau mondial telles que le tramway sans caténaire avec alimentation par le sol ou le métro automatique. Un autre point fort est notre présence à l'international. Si l'on étudie la cartographie des différentes implantations, nous sommes présents au Brésil, en Afrique du Sud, en Inde, aux Etats-Unis, en Amérique Latine. Nous capitalisons sur un certain nombre de succès à l'export qui ont marqué les esprits ces dernières années. Enfin, l'industrie française compte de nombreux leaders mondiaux et peut s'appuyer sur des ingénieurs de haut niveau issus de la SNCF, de la RATP et de l'industrie.

BTP Rail : A quel rang nous situons-nous sur l'échiquier mondial ?

Jean-Pierre Audoux : Nous ne pouvons pas nous comparer à la Chine car nous ne sommes plus dans les mêmes ordres de grandeur Nous sommes derrière l'Allemagne, au troisième ou quatrième rang mondial en termes de chiffres d'affaires, mais je persiste à croire que nous sommes leader au niveau du savoir-faire technologique. Que l'on parle de l'infrastructure, de l'urbain, de la signalisation ou de la grande vitesse, partout, nous sommes capables de rivaliser grâce à des propositions innovantes et de nombreuses références.

BTP Rail : Au regard de notre expertise, comment expliquer notre perte de parts de marché au niveau mondial ?

Jean-Pierre Audoux : Plusieurs raisons expliquent cet état de fait. La principale est le développement de la concurrence. De 3 ou 4 acteurs sur un même appel d'offres, on est passé à 10. Le poids de l'industrie ferroviaire française se dilue sur un marché dont la mondialisation s'est très fortement accélérée depuis 10 ans. Par ailleurs, les grands pays émergents qui possèdent une industrie ferroviaire, réclament aujourd'hui une production locale du gros de la commande. Il faut aussi reconnaître une certaine dispersion de nos forces face à des offres plus homogènes. Enfin, nos concurrents ont une force de frappe très importante au niveau du financement du matériel. Nos moyens sont plus limités et vont s'exercer sur un projet plus précis.

BTP Rail : Le transport ferroviaire est-il un mode d'avenir ?

Forcément, car il signifie à la fois le transport collectif et le développement durable. Si le facteur d'urbanisation suscite le développement des moyens routiers, celui de « l'hyper urbanisation » que nous vivons aujourd'hui, induit le développement du transport collectif lié au rail. Si nous proposons des transports cadencés aux habitants de la lointaine banlieue qui vont travailler en première couronne ou dans l'hypercentre, le rail est la meilleure solution. Le nerf de la guerre, c'est la cadence et l'automatisme.


La FIF en bref :

La Fédération des Industries Ferroviaires (FIF) promeut le développement du mode ferroviaire. Pour ce faire, l'organisation s'implique dans l'ensemble des travaux et débats sur la politique de transport de la France. Une autre mission consiste à structurer la filière, notamment au travers du pilotage d'un comité stratégique. Elle contribue également à l'harmonisation technique et réglementaire, non plus au seul niveau européen, mais aussi, au niveau mondial. Dans la continuité de cette démarche, elle soutient les PME et PMI de la filière dans leurs démarches à l'export.