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L’industrie ferroviaire en quête d’un nouvel équilibre (L’usine Nouvelle – 06/03/2014 - P. II-III)

Les statistiques 2013 de la Fédération des Industries Ferroviaires (FIF) ne sont pas encore définitives, mais tout laisse à penser que l'année qui vient de s'achever n'aura pas été particulièrement brillante pour le secteur ferroviaire français, en baisse d'activité d'environ 10% par rapport à 2012. « La situation est cependant assez contrastée et devrait mécaniquement s'améliorer cette année", explique Jean-Pierre Audoux, Délégué Général de la FIF. "Ce tassement d'activité est essentiellement dû à la diminution des livraisons de matériels roulants (en particulier les trains régionaux) et à un marché français de la signalisation qui ne décolle toujours pas. En revanche, les investissements en matière d'infrastructure montent en puissance et atteindront leur zénith d'ici 2016 par l'achèvement des lignes à grande vitesse et la rénovation du réseau. " C'est au-delà de cet horizon que le tableau s'assombrit...

 Un marché fortement mondialisé

On voudrait pouvoir comparer ce tassement à celui de la période 19961998, des années difficiles qui ont été néanmoins suivies, grâce aux TER, aux tramways et aussi à la demande chinoise, d'un petit âge d'or pour l'industrie française. "Mais la grande différence aujourd'hui, c'est que le marché s'est mondialisé, entraînant de très fortes tensions suries marges »; poursuit Jean-Pierre Audoux. La Chine ferroviaire s'est repliée sur elle-même - ses métros et sa Grande Vitesse sont désormais made in China - et les appels d'offre sont devenus beaucoup plus concurrentiels. C'est pourquoi la France, qui exportait il y a quelques années pour 1,7 milliards d'euros d'équipements, dont une importante partie en Chine, affiche actuellement des chiffres nettement moins flatteurs.


Confrontée aux mêmes tensions concurrentielles, l'industrie allemande tire son épingle du jeu en exportant pour plus de 5 milliards d'euros de systèmes, sous-systèmes et équipements à forte valeur ajoutée, là où les industriels français n'exportent guère plus d'1 milliard d'euros. "Cette capacité insuffisante à développer des équipements de haute valeur et à les exporter est en grande partie liée à la trop petite taille de nos PME » explique-t-il. La création de Croissance Rail, un fonds d'investissement de 40 millions d'euros dédiés aux acteurs de la filière, vise à remédier à cette carence. Car Croissance Rail a pour mission d'investir, comme actionnaire minoritaire, des "tickets" de 1 à 4 millions d'euros dans des entreprises performantes qui ont une activité significative dans le ferroviaire et qui présentent un potentiel de croissance à l'international. L'objectif est de renforcer la compétitivité et la capacité d'innovation de ces entreprises, mais aussi d'accompagner le nécessaire mouvement de consolidation du secteur afin de favoriser l'émergence d'ETI capables d'affronter efficacement le marché international.

 Améliorer le volume d’affaires à court terme

"En attendant que ces financements portent leurs fruits, la FIF s'efforce d'agir pour améliorer la visibilité à court terme de nos PME et leur ouvrir un volume d'affaires leur permettant de passer le cap difficile à venir », explique le Délégué Général. Des actions ciblées ont ainsi été menées vers plusieurs pays, notamment la Russie et les régions limitrophes (Kazakhstan, Ukraine...) où les besoins en équipements sont immenses. La FIF pilote également le projet FIRST de restructuration de la filière française en clusters, ainsi que les programmes de relance de l'activité fret par l'amélioration de la productivité, de la fiabilité et de la ponctualité de cette filière, qualités qui lui font aujourd'hui cruellement défaut. Nombre d'incertitudes se doivent par ailleurs d'être levées au niveau national, telles que l'avenir du Grand plan de modernisation du réseau (GPMR), élément majeur de régénération de nos infrastructures classiques et vitrine technologique potentielle, dont "les choix technologiques ne sont toujours pas tranchés, ni le modèle économique arrêté ». Il en va de même de la réforme du système ferroviaire français, un dossier sensible sur lequel s'affrontent SNCF et Régions sur la problématique de gouvernance. On ne peut alors que se féliciter de la récente adoption par la Commission européenne d'un nouveau partenariat public-privé. Baptisé Shift2Rail, il vise à investir près d'1 milliard d'euros pour la recherche et l'innovation, afin d'améliorer la compétitivité de l'industrie ferroviaire européenne à l'échelle mondiale.

L'objectif de cette coopération est de permettre au réseau ferré européen d'accueillir plus de passagers et plus de fret. L'ambition est louable car le transport ferroviaire n'accueille actuellement que 10 % du fret européen et seulement 6 % des voyageurs, alors que ce mode de transport est le plus efficace et le plus respectueux de l'environnement. Cette opération, si elle réussit, marquera-t-elle les prémices d'un "Airbus ferroviaire"? Beaucoup y croient fermement.