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Belfort tiré par le TGV du futur (L’Usine Nouvelle.com - 25/03/2019)



Au cœur de la filière ferroviaire régionale, Alstom Belfort revient de loin et voit dans le TGV du futur un nouvel élan pour un écosystème qui manque de synergies.

Le TGV du futur se dessine à moins de deux kilomètres de la gare de Belfort (Territoire de Belfort), dans le parc d’activités Techn’hom. Le 26 juillet 2018, le conseil d’administration de SNCF Mobilités a approuvé une commande ferme de 100 trains à grande vitesse de nouvelle génération, Avelia Horizon, le TGV du futur conçu par Alstom Transport, pour un montant de 2,7 milliards d’euros. C’est le site de Belfort et ses 460 salariés qui assurera la conception et la fabrication des 100 motrices. " Cette commande va nous permettre de gagner en visibilité pour les années qui viennent ", assure le directeur du site Romuald Gicquel. Une très bonne nouvelle, alors qu’Alstom avait annoncé, le 7 septembre 2016, la fermeture de l’établissement franc-comtois au profit de Reichshoffen (Bas-Rhin), avant de revenir sur sa décision un mois plus tard.

Pourtant, ce nouvel élan soulève encore quelques inquiétudes du côté des salariés. Une montée en charge progressive se fera entre 2020 et 2022. André Fages, le délégué syndical CFE-CGC, craint un " creux de charge " durant cette période. Une observation nuancée par la CFDT, dont le délégué de Belfort, Olivier Kohler, assure que " l’activité commencera en 2020 puisque la mise en circulation de la première rame est planifiée pour 2023 ". Mais, souligne-t-il, ce gros contrat TGV du futur " n’apportera que 40 % de charge de travail, pendant plus de cinq ans ". Le directeur du site de Belfort affirme d’ailleurs que " cette nouvelle commande ne doit pas nous empêcher de continuer à en rechercher d’autres. Nous avons déjà eu de très bons retours de nos clients concernant la nouvelle gamme de locomotives de manœuvres Prima H4, que nous leur avons présentée dernièrement ".

Sur l’ensemble de la région Bourgogne-Franche-Comté, la filière ferroviaire compte plus de 6 800 salariés répartis dans 110 établissements, soit environ 4 % de l’emploi industriel du territoire. Autour d’Alstom Belfort, gravitent nombre de sous-traitants. C’est le cas du spécialiste de l’usinage de précision, Mécanique Baumoise de Précision, qui emploie 150 personnes dans le Doubs et réalise un chiffre d’affaires de 22,3 millions d’euros. " Le ferroviaire représente 20 à 25 % de notre volume d’affaires ", explique Thomas Sandoz, son responsable commercial. L’entreprise conçoit notamment des pièces mécaniques pour les bogies et les moteurs.

Une sous-traitance qui bénéficie à l'étranger

De son côté, eXcent (750 salariés, 70 millions d’euros de chiffre d’affaires), dont le siège est à Toulouse, en Haute-Garonne, conçoit et intègre des solutions industrielles pour l’aéronautique, le ferroviaire, l’automobile et l’énergie ou encore la défense. " Sur Belfort, nous accompagnons Alstom Transport de manière intensive, notamment dans les phases d’industrialisation des différents projets : les locomotives de manœuvres pour la Suisse et le Maroc, mais également le TGV du futur et le TGV Amtrak, à destination des États-Unis ", note Franck Dolvet, le directeur du site d’eXcent de Belfort.

La filière ferroviaire du nord Franche-Comté semble toutefois manquer d’animation autour de Belfort. Pour Romuald Gicquel, " il n’y a pas de volonté particulière d’Alstom de sous-traiter ou non dans la région ou en France. Notre objectif est de respecter nos engagements pris auprès de nos clients et de rester compétitif ". Le site belfortain d’Alstom réalise toutefois un tiers de ses achats dans la région. La CFE-CGC assure que " si la sous-traitance a augmenté depuis 2016, cette hausse bénéficie particulièrement à l’étranger ".

Un partenariat historique avec l’UTBM

Depuis plus de dix ans, l’Université de technologie Belfort-Montbéliard (UTBM) est un acteur majeur de l’innovation chez Alstom. " Alstom est très impliqué au sein de l’UTBM. Nous sommes représentés à son conseil d’administration et notre directeur de l’ingénierie, Thierry Tournier, est membre du conseil scientifique ", explique Romuald Gicquel. L’UTBM et Alstom, en partenariat avec le pôle de compétitivité Véhicule du futur et une start-up belfortaine Voxelia, ont développé un simulateur de conduite ferroviaire, dans le cadre du projet Astres. " Avec cette innovation, Alstom peut ainsi tester le matériel embarqué dans les trains sans avoir besoin nécessairement d’accéder au train en question ", explique Olivier Lamotte, ingénieur de recherche au sein du laboratoire Ciad (Connaissance et intelligence artificielle distribuées) de l’UTBM. " En repartant des schémas des trains, nous les avons modélisés et mis au point le projet Explorys pour développer avec la société Digit Prime un système d’aide au dépannage ", ajoute-t-il. Le Ciad travaille également sur l’intelligence artificielle embarquée à bord du TGV du futur. Autre laboratoire de l’UTBM, le FCLab creuse la piste des locomotives à hydrogène. Une information confirmée par Alstom qui ne souhaite pas, à ce stade, communiquer davantage.


Jean-Pierre Audoux, délégué général de la Fédération des industries ferroviaires

L'Usine Nouvelle - Comment se porte l’industrie ferroviaire en France ?

Jean-Pierre Audoux - Nous sommes sur un marché national et un niveau d’exportation stables. On recense 300 groupes industriels pour un chiffre d’affaires de 4 milliards d’euros, dont 1 milliard est réalisé à l’export. Sur l’infrastructure, l’activité est plutôt positive. Toutefois, sur le matériel roulant, nous allons être confrontés à une période de tassement, avec des fins de contrats annoncées pour 2021-2022. Il y a de l’export, sur le tramway notamment, mais on n’est plus forcément dans des périodes de grands contrats, comme les métros qui permettaient de faire tourner les usines à plein régime.

Et le projet de TGV de futur ?

C’est un marché pour lequel la SNCF a lancé une commande de 100 rames qui rentreront en production en 2022-2023. Cette commande est de nature à permettre de garantir l’emploi. Toutefois, une absence de charge pendant au moins deux ans n’est pas neutre d’un point de vue économique et social.

Comment l’expliquez-vous ?

Le problème du ferroviaire, c’est l’anticipation. On est dans une industrie lourde et dans des cycles longs. Des jonctions ne se font pas et les écarts qui séparent deux séries sont très problématiques. La question est de savoir comment sera gérée cette période de creux.